23 juin 2011

dans son fauteuil

Elle t'a dit en te serrant dans ses bras cachalots elle t'a dit que la mort lui faisait peur et que le silence l'apaisait. Tu croyais que la fille d'un embaumeur n'aurait peur de rien et surtout pas de ça mais encore une fois de sa voix douce et sans le vouloir elle avait grugé les fondations de ton équilibre. Dans sa main noueuse elle a déposé la tienne et vous avez regardé par la fenêtre les anges passer. Tu t'es dit que si la mort faisait peur aux vieux qui croient encore en Dieu tu avais raison de la redouter toi aussi toi qui n'espère plus.

accotement

Tu traînes tes pieds paradis entre l'herbe et le sable sous des tapis de grands vents montagneux et devant toi ce ne sont plus les promesses mais les kilomètres qui s'enlignent jusqu'à l'horizon. Tu tends le bras vers l'ouest pour saisir entre tes doigts les derniers rayons tu trébuches et tu tombes et la terre
                                                                           
celle qui donne et reprend 
celle qui t'a mise au monde

te frappe en plein ventre.

16 avr. 2010

robe de chambre

Tu venais nous border en sortant de la salle de bain tu traînais derrière toi un parfum de talc et de savon doux. Elle, elle dormait toujours du côté du mur, elle avait peur du garde-robe, elle avait peur de la fenêtre, elle avait peur des monstres du corridor. J'affrontais tous ces méchants, couchée sur le bord du lit et si elle se réveillait en plein milieu de la nuit j'attrapais ses cauchemars par les ouïes et j'allais les jeter dans la toilette. Toi tu tirais la chasse d'eau. Douze litres de courage flushés toutes les semaines. Tu me disais bonne-nuit-beaux-rêves, une petite croix, un bec sur le front. Quand tu te penchais sur elle j'avais ta robe de chambre de satin qui me chatouillait le nez je fermais les yeux et je souriais. La douceur, jusque dans tous tes alentours.

26 mars 2010

envolé

Ta chambre est vide est toi t'es un peu mort. Tes murs se dressent comme des paupières closes je ne te vois plus dans les livres de ta bibliothèque, dans tes tiroirs creux, je cherche le sable des grands espaces que tes bottines auraient trainé jusqu'ici mais le plancher brille. Je gratte le sol je te cherche sous les lattes de bois franc dans le post-it que t'as collé sur le thermostat dans la trace de tes doigts sur les clés que tu me laisses.
Tes vestiges se la ferment et pourtant je t'entends respirer, perdu quelque part entre la tache de ton dernier café sur le bureau et le bas resté pris dans le fond de ta corbeille à linge.
Ta chambre et vide et toi tu ne seras plus au combat et ta veste restée sur le crochet me fouette comme une gifle. Le sommeil me semble étranger dans ton lit- les draps lavés ont perdu la mémoire. Dans la fenêtre, le givre de janvier fait ses griffes, l'air froid n'est plus très frais, toi tu ne sais pas, tu traverses l'océan ou un nuage et bientôt ton pied foulera une terre trop lointaine trop brûlante et trop sèche et moi, ici, je pelletterai les averses, dans ta chambre trop vide, pendue au téléphone.

Friedrich

Entre les bouteilles de Wodka et les vapeurs de Kummel, Friedrich penche et pose et prend et perd pied, la tête trop haute, debout sur la table. Il ne parle pas il ne mange pas ne dors pas ne bosse pas ne baise pas ne hait pas il boit il boit il boit au goulot au galon au goujat il boit des barils des barriques des ballons des voisins le visitent et s'assoient à la table et lui danse les pieds sur les mains et la tête aux mollets et les voisins voyeurs lui lancent de grands nénuphars et il boit et ils boivent et les nénuphars s'emplient et eux vascillent Friedrich est homme au coeur brisé une princesse un jour lui a donné un baiser et Friedrich est devenu ce garçon qui danse et qui boit et qui danse et moi qu'il aime encore à en crever je reste dans mon étang sa bouche est trop sèche pour m'embrasser ses bras sont trop grands pour m'aimer alors il boit et il danse et il boit et quand Friedrich est assez fou pour oublier ses grand bras, et quand Friedrich a assez bu pour oublier sa bouche sèche il revient me voir et nous gobons des mouches.