24 août 2009

Rétroviseur

On roule les fenêtres ouvertes, le vent fait tournoyer les cheveux de Virginie. On ne parle pas. C'est peut-être parce qu'il fait un soleil liquide et que l'Andalousie nous attend de pied ferme de l'autre côté des collines. On a le trac, des papillons dans le ventre en pensant à Albacin et à Pampaneira, où nous serons demain, après-demain. Guillaume pèle les oranges volées dans une plantation sur le bord de la route, l'odeur de la grosse pelure qui se déchire nous parvient par derrière. Les volets des maisons sont clos, il est quinze heure, c'est la sieste.
J'aime tes mains sur le volant. Elles sont la preuve de nos distances, de nos errances et de nos égarements. Sans tes mains on ne serait pas ici - je ne conduis pas manuel.
Dans le miroir je vois tes yeux plissés par le soleil, fixés sur la route blanche. Il n'y a que maintenant qui existe, sur cette route, avec ces deux inconnus sur la banquette arrière, avec ces oranges un peu sèches et ce vent qui ne sent rien, ici, c'est la voiture qui nous garde au sol et je vois dans tes yeux qu'on n'a plus besoin de rêver.

2 commentaires:

  1. T'es donc bonne!

    J'aime ta subtilité, ton intelligence: celle de "faire confiance au lecteur", comme dirait l'autre. Tes textes sont l'antithèse du cinéma américain: rien n'est expliqué, tout est suggéré.

    Tu as une "voix" très forte, si forte qu'on l'entend dans tout ce que tu écris. Ce n'est pas si fréquent.

    Dans ce texte, j'aime particulièrement le deuxième paragraphe.

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  2. wow... je découvre des merveilles de blog en blog... :O)

    saisir le moment présent sans le figer de façon statique, reconnaître la beauté des rencontres, et nous laisser avec un sentiment d'arrivée, de plénitude.

    " c'est la voiture qui nous garde au sol et je vois dans tes yeux qu'on n'a plus besoin de rêver."

    Merci!

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