16 avr. 2010

robe de chambre

Tu venais nous border en sortant de la salle de bain tu traînais derrière toi un parfum de talc et de savon doux. Elle, elle dormait toujours du côté du mur, elle avait peur du garde-robe, elle avait peur de la fenêtre, elle avait peur des monstres du corridor. J'affrontais tous ces méchants, couchée sur le bord du lit et si elle se réveillait en plein milieu de la nuit j'attrapais ses cauchemars par les ouïes et j'allais les jeter dans la toilette. Toi tu tirais la chasse d'eau. Douze litres de courage flushés toutes les semaines. Tu me disais bonne-nuit-beaux-rêves, une petite croix, un bec sur le front. Quand tu te penchais sur elle j'avais ta robe de chambre de satin qui me chatouillait le nez je fermais les yeux et je souriais. La douceur, jusque dans tous tes alentours.

26 mars 2010

envolé

Ta chambre est vide est toi t'es un peu mort. Tes murs se dressent comme des paupières closes je ne te vois plus dans les livres de ta bibliothèque, dans tes tiroirs creux, je cherche le sable des grands espaces que tes bottines auraient trainé jusqu'ici mais le plancher brille. Je gratte le sol je te cherche sous les lattes de bois franc dans le post-it que t'as collé sur le thermostat dans la trace de tes doigts sur les clés que tu me laisses.
Tes vestiges se la ferment et pourtant je t'entends respirer, perdu quelque part entre la tache de ton dernier café sur le bureau et le bas resté pris dans le fond de ta corbeille à linge.
Ta chambre et vide et toi tu ne seras plus au combat et ta veste restée sur le crochet me fouette comme une gifle. Le sommeil me semble étranger dans ton lit- les draps lavés ont perdu la mémoire. Dans la fenêtre, le givre de janvier fait ses griffes, l'air froid n'est plus très frais, toi tu ne sais pas, tu traverses l'océan ou un nuage et bientôt ton pied foulera une terre trop lointaine trop brûlante et trop sèche et moi, ici, je pelletterai les averses, dans ta chambre trop vide, pendue au téléphone.

Friedrich

Entre les bouteilles de Wodka et les vapeurs de Kummel, Friedrich penche et pose et prend et perd pied, la tête trop haute, debout sur la table. Il ne parle pas il ne mange pas ne dors pas ne bosse pas ne baise pas ne hait pas il boit il boit il boit au goulot au galon au goujat il boit des barils des barriques des ballons des voisins le visitent et s'assoient à la table et lui danse les pieds sur les mains et la tête aux mollets et les voisins voyeurs lui lancent de grands nénuphars et il boit et ils boivent et les nénuphars s'emplient et eux vascillent Friedrich est homme au coeur brisé une princesse un jour lui a donné un baiser et Friedrich est devenu ce garçon qui danse et qui boit et qui danse et moi qu'il aime encore à en crever je reste dans mon étang sa bouche est trop sèche pour m'embrasser ses bras sont trop grands pour m'aimer alors il boit et il danse et il boit et quand Friedrich est assez fou pour oublier ses grand bras, et quand Friedrich a assez bu pour oublier sa bouche sèche il revient me voir et nous gobons des mouches.

24 févr. 2010

''My Island in the sun''

Texte écrit pour la soirée-bénéfice Complainte pour une Vénus Noire

Tu marches. Tes pieds sont poussière et tes mains sont briques, béton, pierres, tes pieds s'effritent et tes mains lourdes ne savent plus rien soulever. Tu marches. Devant toi ce n'est plus la rue ce n'est plus le quartier, ce ne sont plus les gamins sans chaussures qui tapent un vieux ballon, ce ne sont plus les marchands de fruits et leurs trésors colorés, devant toi c'est gouffre de silence, devant toi c'est la tempête immobile. La tempête endormie.
Tu marches. Tu ne sais plus d'où tu viens tu te demandes où tu es né tu te rappelle être arrivé par avion ce matin l'aéroport avait le bras en écharpe tu t'es engouffré dans un Jeep qui roulait trop vite tu as eu mal au coeur dans les route estropiées.
Et puis, tu as vu par la fenêtre de ton jeep tu as vu ce que tu n'aurais jamais pu jamais voulu imaginer tu as vu une ville piétinée par l'immense main de la nature, tu as vu une histoire une culture en débris, tu as vu des corps meurtris déposés sur le sol, tu as vu des gens hurler, tu as vu un bras d'enfant sous un tas de ruines trop lourd. Tu as vu un homme passer à vélo avec un sac de riz sur l'épaule.

Le jeep s'est arrêté. Il n'y a avait plus de route. Il n'y avait plus de sol. Vous avez fait le reste à pied.
Tu marches. Parmi les hommes, parmi les femmes, parmi les chiens qui cherchent, parmi les secours qui te regardent avec des yeux trop pleins pour pouvoir les lire, parmis les blocs de béton la vitre cassée tu marches tes pieds traînent les larmes des orphelins de Port-au-Prince et les soupirs de soulagement des coups de fil outre-mer qui disent: ''Je vais bien''.
Tu marches derrière ta tête vient frapper la rumeur constante des sirènes et des cris, et sur ta tête tape ce soleil splendide, presque obscène, à quelques centaines de kilomètres sur la même île des vacanciers sirotent des pina-coladas en se faisant griller. À deux pas de toi, deux fillettes se partagent une bouteille d'eau. Tu marches.
Au loin tu aperçois l'équipe que tu dois rejoindre. Enfin. Tes pieds poussières accélèrent le pas, tu marches encore mais maintenant tu ne regardes plus les murs évanouis, les blessures sur ce qu'il reste des maisons. Ils sont cinq. Cinq secouristes....et quinze habitants de la ville, quinze hommes couverts de poussière, quinze femmes pieds-nus, qui se promènent entre les survivants meurtris, quinze maris qui pansent et désinfectent les plaies, quinze mères qui bercent des chagrins plus grands qu'eux, quinze amis qui n'ont pas dormi depuis trop longtemps, quinze citoyens qui reconstruisent déjà leur pays, quinze humains qui te montrent qu'ils sont plus forts que la mort.


les grands pins

Ce sont des envies de grands départs qui te prennent par le ventre quand tu conduis sur ce boulevard trop large. Des envies de Côte-Nord, de Labrador, de grands vents dans tes poumons, des vents de Matane et de Rimouski, des vents de Sept-Iles, des Éboulements, de Baie-Comeau.
Tu sais plus si c'est l'est ou l'ouest ou le nord qui te tire, qui te chante des ballades dans la langue de ta grand-mère, tu veux que ton char avale des kilomètres et des panneaux routiers, tu veux t'arrêter chez des gens que tu connais pas pis demander ton chemin. Ce sont des envies d'Abitibi, des enivrances de montagnes de sentiers de mousse et de cailloux, quand tu conduis sur ce boulevard trop large tu t'accroches à la première volée de bernaches du printemps et tu la suis jusqu'au Saguenay, tu t'en vas jusque iousqu'y a plus de route. Là-bas, tu t'assois sur ta grande galerie, tu as des bisons des sangliers un jardin jusqu'au couchant, là-bas tu t'appelle Marie Amyotte, ta mère est huronne et tu chantes en trois langues et tu chantes en ta langue.

17 févr. 2010

Dimanche 1993

Souvent, le dimanche, juste après la messe, il venait dîner à la maison. Maman achetait un pain belge à la pâtisserie, et quelques meringues quand je l'accompagnais. Je me rappelle la voiture mauve bourgogne stationnée devant la maison, je me rappelle de lui assis au bout de la table et de nous qui l'écoutons parler, derrière lui la porte patio éclaire la nappe blanche nous savons tous qu'il a fait la guerre nous en sommes fiers. Une fierté qui glace le sang un orgueil dont on ne sait rien de la valeur. Il paraît qu'il était aviateur, il paraît qu'il était radio, il paraît qu'il était mécanicien, il paraît qu'un jour il a survécu a un terrible accident d'avion et que tous ses amis sont morts sous ses yeux. Il nous raconte son trajet, de la rue de Bruxelles jusqu'à chez nous, il nous fait un rapport détaillé de la route, de sa vitesse, de sa consommation d'essence. Dans son regard, mille milliards de kilomètres défilent, mille milliards de kilomètres, remplis d'avions, de murs, de barbelés, de cigarettes, des kilomètres de coleslaw, d'orphelinats, de beaucerons, des kilomètres d'Hélènes, de rouge à lèvre rouge rouge, de motos, des kilomètres de terrains de camping, de coffres à vaisselle verts, d'usines, des kilomètres de cartes postales, de chapeaux de paille, de chemises à manches courtes, de naissances et d'adieux.
Nous sortons tous dans la cour, Papa et Maman ramassent la vaisselle et la nappe blanche. Le soleil de juin nous tape sur la tête et la piscine hors-terre est encore verte dans les coins. En nageant, avec mes lunettes de plongée, je regarde les carcasses d'araignées en suspension. Il nous surveille, on file doux, pas de bagarres pas de hurlements que des jeux calmes, pourtant il n'a rien dit il ne nous fait pas peur il ne nous chicanera pas il est seulement là, il nous surveille.
Quatorze heures. L'heure du départ. On joue dans l'entrée de garage et il sort. Becs sur les joues, Papa et Maman sur la galerie, becs sur les joues, aux grands frères qui ont mis des cartons dans leurs roues de vélos pour faire du bruit. Moi j'attends mon tour dans les marches, ma mère me met mon chapeau rose, mon père crinque la caméra, lui s'approche et vient me dire au revoir. Je le regarde, il m'impressionne trop je ne sais plus répondre. Et le héros silencieux s'en va, avant que je ne retrouve ma langue.


5 févr. 2010

Loon blues

Tu voudrais pouvoir te rouler dans neige mais y a juste de la sloche brune. Tu voudrais faire tomber les highways, planter des saules dans les égouts de la rue Sainte-Catherine. Les ruelles sont assommées de sacs poubelles, le printemps pue des pieds.

Tu voudrais que Montréal soit New-York tu voudrais des bars que tu connais pas encore, des inconnus à tous les coins de rues, tu voudrais te casser le cou en regardant la cime des grattes-ciel.

Tu voudrais être au nord et parler anglais avec des étrangers.

Une piastre dans la poche de ta chemise.

Hey Loon gimme a kiss, throw you wings to the sky,
I will be waiting by the lake, for you, for a feather to pass by
And if I can spread my arm high enough to get it
Try de me ramener chez nous aux pieds des chutes


15 janv. 2010

Grouille don' pas un'minute

« Ce que tu nous lègues aujourd’hui, ce sont non seulement des souvenirs, des saveurs, et des découvertes inoubliables, mais une ambition importante : celle de perpétuer, avec nos futurs enfant, nos futurs petits-enfants, cette façon de vivre tout en force et en douceur, celle de la communauté, de la terre, du don de soi et de l’authenticité. Fidèle à toi-même, tu es resté digne et vigoureux jusqu’à la fin. Fidèle à toi-même, tu es parti un peu sans avertir. En plus je suis sûre que tu as oublié d’attacher ta ceinture! Merci d’avoir été le plus inspirant des idoles, et bonne route.»
L'église pleine releva la tête et la famille s'engagea dans l'allée centrale. Jacques marchait devant avec l'urne, ses huit frères et sœurs suivaient, la mine lourde, la main dans celle de leur mère. Le bedeau ouvrit la grande porte centrale, dehors il faisait gris mais la neige rendait le jour plus clair. Un léger coup de vent froid fit vaciller les flammes des cierges. La lente procession se dirigea vers la salle paroissiale, grand-mère devant, les jambes molles, le cœur en tempête et les pensées voyageant entre les ficelles des années passées et futures. À la ferme, cinq kilomètre plus loin, un grand pin s'endormit debout.