15 déc. 2009

Tulips for Sale

Il pleut. Au pied de l'auberge ce n'est pas le canal c'est la rue, avec ses vélos ses voyous ses voitures. Il n'y a pas de bateaux, il y a le tram qui fait vibrer les fenêtres du sous-sol où nous nous réfugions sous les édredons des lits deux étages loués trop cher. C'est drôle, moi qui croyait qu'Amsterdam était d'eau et de vent, oui, il pleut, c'est vrai, et l'aération nous couvre de poussière. Demain nous passerons la nuit dehors nous presserons le jus de la ville nous boirons sa luxure et lècherons son front suant, nous embrasserons ses lumières arc-en-ciel, le corps arc-bouté par des mains kaléidoscopes au rythme d'un jazz brûlant qui colle à la peau. Dans la gare les néons piquent nos yeux le premier train passera dans deux heures. Le gardien nous a trouvés, il a dit: "You can stay but don't sleep.'' Il pleut. La nuit baille d'une haleine glaciale.

9 déc. 2009

Hongrie mon amour

Budapest ne fait pas la bise aux voyageurs qui débarquent du bus. Elle les enfourne dans sa poche de tablier, dans son métro hurlant rempli de vieillards à la peau trop sombre. Sur les panneaux les noms des stations nous regardent en se moquant. À Jozsefkorüt, nous n'avons pas le temps de réfléchir, les portes claquent en s'ouvrant brusquement et nous voguons dans la foule qui se presse jusqu'aux bouches de lumière -les escaliers mènent à la rue ensoleillée. Dehors, des immeubles en cellophane battent au vent. L'auberge se cache quelque part sur le boulevard, mais les grandes portes et les sonnettes nous tournent le dos. Un homme nous bouscule il sent le paprika il dit "Bocsànat!" il entre dans un café en fredonnant. Le trottoir est large, les arbres, feuillus. Autour de nous les sons se tordent, les mots se perdent, même les klaxons parlent hongrois.
"-Il avait dit quelle heure, le gars de l'auberge?
- 14 heures.
- Et là, il est quelle heure?
- 16 heures."
On a mangé un sunday à 442 forints et je crois qu'on a failli pleurer.

Je ne parle pas Italien

Dolcezza, delizia, pollastrello mia, gioia mia, non voglio vederti mai più. Hai le manni belle, si, ma non piacciono i film tragicomici. Non importa. Se non ci sono, non aspettarmi. Toccami qui. Mi ami? A che cosa serve? Mi sono persa. Chi gioca, chi vince? Vorrei esplorare relitti...questa è roba da matti. Posso restare la notte?

Mon sucre d'orge, mon petit morceau de sucre, mon poussin, ma joie, je ne veux plus te voir. Tu as de belles mains, oui, mais je n'aime pas les comédies dramtiques. Ce n'est pas important. Si je ne suis pas là, ne m'attends pas. Touche-moi. Tu m'aimes? À quoi ça sert? Je suis perdue. Qui joue, qui gagne? Je voudrais explorer des épaves...c'est de la folie. Je peux rester pour la nuit?


Merci à Benjamin. Ton guide de l'Italien pratique en voyage m'a desennuyée pendant les oraux de lundi.
Ciao!

28 oct. 2009

Edith

Édith a la résille des bas qui fendouille et l’étalon à plat. Elle renverse toujours des verres de vin dans son corsage elle aime bien qu’on la regarde faire dans les restaurants où l’invitent ses Messieurs. Parfois, il y a des traces de rouges à lèvres sur son plancher –Édith ne fait jamais le ménage de toute façon, chez elle il n’y a pas de meubles, que des grandes coupes ballons, des chandeliers, une sécheuse et de grands draps pendus au plafond. Édith a le blond en déclin par les racines et des rayons de mascara sur les joues, elle brûle des cigares par tous les bouts, ça fait tellement de fumée que parfois elle peut marcher dessus –à condition d’ôter ses escarpins. Et comme ça elle voit plus loin par la fenêtre. Édith ne porte jamais de culotte elle dit : «Les culottes c’est pour les Saintes-Madeleine-Pleureuses», pourtant moi les Madeleine que je connais elles pleurent moins qu’Édith. Édith elle garde ses larmes dans des pots Masson avec des étiquettes : la date, le mec, la connerie. Elle dit : «Comme ça les cons servent».

27 sept. 2009

Building

Toutes les deux sur ton lit caravelle, attendant le sommeil et une bouteille de gin, le chat nous griffonne et la marée monte. Les voiles ne seront plus dressées nous en avons fait des passerelles, la porte est condamnée, mais la fenêtre...

Tu n'as jamais voulu habiter au rez de chaussée

Je vois l'usine et les colonnes de fumée. Elles penchent vers la droite, le vent vient de l'est.
Tu as déjà la tête dehors tes orteils agrippent l'aluminium.

J'ai peur, je crois que nous sommes trop lourdes, et c'est le temps des pommes on pourrait tout simplement retourner à Saint-Hilaire, au parc Fréchette, aller chier dans des bouteilles de jus de fruits et les lancer aux voisins. Mais tu me tends toujours la main, tes yeux ont la nuit en background et j'ai oublié mon nom.

Je n'ai plus d'amis, je n'ai plus de choix. On se fixe deux plumes aux oreilles et main dans la main, sur le rebord d'aluminium, y a des klaxons qui crient sur René-Levesque un cycliste s'est fait frapper et on saute

Tu me dis que tes ailes, tu les as déchirées: ça piquait trop et tes chandails ne te faisaient plus.

17 sept. 2009

Va chier gros carcajou

tu parles trop fort et ta bouche est trop grande tu ris trop fort ça tape sur les fenêtres closes ça sent l'huile à moteur les sons durs fracassants trop clairs trop près de moi ton rire me frappe les tempes - je regarde devant je ne veux pas voir tes yeux tendre la patte et me griffer

3 sept. 2009

L'Andalousie

Elle a pas répondu tussuite
quand on a sonné à sa porte
valises aux mains
plus rien aux pieds

Elle s'était réfugiée dans les ruelles frisées de Granada
Dans le minaret et les montatidos de Sevilla
Sur le toit d'une auberge coincée entre l'Alhambra et le Sierra Nevada
Dans les branches d'oliviers pognées dans les ouaillpeurs.
Elle était partie soulever la jupe à volant de cette danseuse de Flamenco
Elle était devenue le bois sur lequel frappait son talon
Elle avait fait la sieste dans la sangria partagée sur un comptoir acajou
à midi trente

Elle avait signé sur les mains de la logeuse de San Juan de Dios, sur sa manière de donner les clés et de prendre les billets fripés.

Elle a pas répondu tussuite
Fait qu'on est rentré pareil
On l'a rejoint
dans cuisine

24 août 2009

Noche en la ciudad

Tu fais du slalom
entre les passants je te suis
semant le tram
et les boutiques qui mendient
au pied de la cathédrale

Séville s'éteint
comme un mégot

Rétroviseur

On roule les fenêtres ouvertes, le vent fait tournoyer les cheveux de Virginie. On ne parle pas. C'est peut-être parce qu'il fait un soleil liquide et que l'Andalousie nous attend de pied ferme de l'autre côté des collines. On a le trac, des papillons dans le ventre en pensant à Albacin et à Pampaneira, où nous serons demain, après-demain. Guillaume pèle les oranges volées dans une plantation sur le bord de la route, l'odeur de la grosse pelure qui se déchire nous parvient par derrière. Les volets des maisons sont clos, il est quinze heure, c'est la sieste.
J'aime tes mains sur le volant. Elles sont la preuve de nos distances, de nos errances et de nos égarements. Sans tes mains on ne serait pas ici - je ne conduis pas manuel.
Dans le miroir je vois tes yeux plissés par le soleil, fixés sur la route blanche. Il n'y a que maintenant qui existe, sur cette route, avec ces deux inconnus sur la banquette arrière, avec ces oranges un peu sèches et ce vent qui ne sent rien, ici, c'est la voiture qui nous garde au sol et je vois dans tes yeux qu'on n'a plus besoin de rêver.

17 août 2009

Retour

dans le champ juste à côté
deux garçons
en vélo eux aussi

on croyait qu'ils s'étaient fait un abri
près du bosquet de vinaigriers
bibelot poussièreux
carcasse d'un temps
de moi
vestige de rêves innocents
de grandes explorations
de cabanes à cinq étages
de potions magiques
de trésors enfouis

de la boue dans nos bottes
le fond de culotte taché de gazon
une rame flotte dans le pit de sable où la neige a fondu

des restes d'amitiés qui s'accrochent
entre les branches
le vent les emporte avant qu'on les atteigne
et les vinaigrier redeviennent des arbres
leurs grappes rouges redeviennent ridicules
laides
dire qu'on les prenait pour des fleurs.

ils construiront de grandes maisons
et le champ juste à côté
deviendra une rue, une cour, des balançoires,
une terrasse, des lampadaires, des pelouses,
des dromadaires, des continents, des dirigeables,
une piscine et un parc
et tout à coup on se sent ridicule
d'être venu dire adieu à un arbre
qui ne se souvient probablement pas de nous

26 juil. 2009

Prélart et Cie

Couchés sur le prélart jauni, toi tu critiquais Monique Leyrac qui chantait trop sec et moi je voulais des enfants. Tu t'es mis à chanter par dessus elle tout doucement j'avais ta voix qui me faisait des bisous derrière les oreilles et moi je me demandais comment ce serait si tu avais été mon papa.

*****

Les jambes en papillotte et les yeux bouillants, elle enlevait ses petits souliers rouges et les déposait au pied du mur de la salle à manger. Elle savait qu'il la regardait à la dérobée, elle savait qu'il devinait son humeur de brique. Il renversa trois gouttes de sauce sur la nappe et elle se mit en colère, pourtant elle savait qu'il allait renverser quelque chose, pourquoi avait-elle choisi cette belle nappe?
Dans ses petits souliers rouges, une araignée tissait sa toile.


*****

C'était il y a deux ou trois semaines, je ne sais pas si tu te rappelles, de toute façon ce n'est pas grave.
Il faisait déjà nuit noire et le chant des grenouilles nous parvenait par la fenêtre, enterrant la radio qui chuchotait. Je devais avoir bu un peu trop de vin, j'avais le sourire qui figeait aux deux-tiers. On s'est couchés sur le prélart jauni de la cuisine, si ma mère nous avait vus elle aurait hurlé, « T'es pas une moppe! » mais il n'y avait personne.

19 juil. 2009

Caraquet

road poem à pardonner

Jusqu'où montait la marée
avant le temps des môtels évachés sur la plage
pour que cette barque bleu et blanche
toute trouée, la peinture écaillée
fasse du pouce sur le bord d'une route acadienne
fasse jaser un camionneur ridé, fripé
qui chante avec un accent des Iles de la Madeleine?


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La caravane tourne sur une route de la baie des chaleurs.
La baie des chaleurs,
quand t'as une license de l'Arizona,
Ché pas, me semble ça doit avoir l'air con.

En passant par Maniwaki

J'veux avoir un pick-up rouillé, pis rouge pompier à part de t'ça, avec une Husqvarna dans benne pis d'la bouette dans le ouinntchille. J'veux des cap d'acier pis des bas de laine j'veux habiter avec les pruches. Rien à foutre des siège en cuir j'veux laisser traîner des légumes pleins de terre sur le banc passager pis m'en sacrer. J'veux plisser les yeux en d'sous de ma casquette en conduisant pis jamais mettre de lunettes de soleil. J'veux vivre à Kazabazua, manger des bines pis avoir rien que la radio.
J'veux coucher dans le même lit que la drave pis oublier le boulevard Saint-Charles. Oublier les p'tits bourgeois du Ouestailleunde pis leurs décapotables , les voisins d'en arrière pis leur crisses de speakers de terrasse, les tondeuses pis les ouiditeux qui lèchent la pelouse à longueur de saison.
Stie' d'été.

6 juil. 2009

cassure


La maison sombre est écrasée par le ciel. Dans ton salon rempli de photos, les gros divans ont l'air de s'être endormis la bouche ouverte. Le mois de juillet n'arrête pas de pleuvoir.
Nuageuse, je me traîne les pieds sur la moquette, de la table au foyer, au divan qui ronfle, je dois être en train de nous chercher quelque part. Ton café prends du temps à s'écouler du filtre, c'est la troisième fois que tu vas voir s'il est prêt. Le plancher craque quand tu reviens vers moi, les mains vides.
On est assis côte à côte, sur le divan qui bave, ta mère est sur la route quelque part à New-York et ton père est parti ce matin dans une ville anglophone dont le nom m'échappe. C'est étrange d'être tous les deux seuls chez tes parents. Tu me dis que la maison te déprime, que sa noirceur t'aspire – elle me happe aussi, tu le sais. On dirait que le divan fait deux kilomètres de large.
T'es loin et j'ai perdu mes lunettes.

25 juin 2009

Fort-Coulonge

Sur la 148, il ne restait de l'hiver que quelques amas de neige à l'orée des forêts. Le gros Ford bourgogne éclaboussait les voitures qui venaient en sens inverse. Au volant, Roland pensait à ses filles à Montréal, à ses petits-enfants à quatre cent kilomètres, à sa vie ici, dans la campagne du Pontiac, à l'été qui arrivait en courant. Il faisait déjà si chaud, le soleil se réflétait sur le toit de leur maison de la rue Poirier. La rivière des Outaouais était sortie de son lit deux semaines plus tôt.
La barrière à l'entrée de la ferme était décadenassée. Charles devait être dans le grand potager afin de commencer à faire ses semences. Le chemin était sec pour la première fois de l'année, ca faisait du bien parce qu'il avait beaucoup plu ces derniers temps et si ça continuait comme ça les flaques allaient creuser des trous immenses et il faudrait tout reboucher pour pouvoir rouler normalement. Et ça, Roland n'en avait pas envie, il avait déjà assez à faire.
Les poussins étaient arrivés la veille, il y en avait cent, cette année. Roland leur avait installé une chaufferette et venait les voir quelques fois par jour pour s'assurer que tout allait bien. En posant le pied dans le poulailler, le poid de son Doc Martens fit se lever un nuage de paille, et les poussins se mirent à pialler. À travers la pagaille jaune, il en découvrit deux qui n'avaient pas passé la nuit. Il ramassa les volatiles d'une seule main et les jeta au compost. Il nourrit les quatre-vingts-dix-huit autres, leur donna de l'eau, et sortit.
En démarrant son tracteur pour aller retourner un peu de terre dans le champ, il remarqua que quelque chose clochait sur la machine. Il fit le tour du moteur, appuyant sur quelque pédale, actionnant tel levier, et découvrit qu'un gros bourdon avait fait son nid dans ses freins. Il fallut deux chaudières, deux énormes chaudières de cinq galons pour vider en entier sa machine des constructions de l'insecte. Des tonnes de brins d'herbe, de la boue, des feuilles, de la paille... Ce bourdon s'était construit une sacrée forteresse, et semblait vouloir la défendre. D'un coup de pelle, Roland l'assomma. Il s'arrêta un moment pour regarder par terre le colosse endormi.
Depuis combien de temps n'avait-il pas sorti ce tracteur ?

21 juin 2009

Phare 2

Toutes les dix secondes, la plage était balayée par un jet de lumière provenant du phare. Il faisait noir depuis déjà deux heures et nous guettions les perséïdes. Par moments, mêlé aux rafales de vent, un chant de baleine nous parvenait. Le sable était froid sous nos corps, humide à nos pieds - la marée ne remontait pas encore. Je voyais du coin de l'oeil que tu souriais. Je ne voulais pas me tourner vers toi, j'étais peut-être un peu timide, troublée par notre présence ici. Tu ne comprenais pas non plus comment nous pouvions nous sentir comme de retour chez nous, dans ce lieu que nous ne connaissions pas la veille.
Bientôt, ils nous appelleraient pour le dessert.

Phare 1

Le gardien du phare
essaie d'attraper les mouches
qui courent après la lumière

Le gardien des mouches
essaie d'attraper le phare.
Qui court après la lumière?

19 juin 2009

Monsieur Papillon


Monsieur Papillon est mort un soir d'été. La minute juste avant, il devait se sentir comme un oiseau, il filait sur sa moto, dans la campagne montérégienne – je suis sûre qu'il allait aussi vite qu'il pouvait, il était de ceux qui aiment sentir le vent dans leurs oreilles. Juste le vent, tellement fort qu'on n'entend rien d'autre, sauf parfois près d'un grand champ une horde de grillons qui se frottent les pattes.
La sainte paix.
Monsieur Papillon a dû mourir vers 19 heures. En juin, les jours de beau temps, c'est le moment le plus déchirant de la journée. C'est le moment rempli de promesses, le moment où on guette un ciel rouge et le premier moustique, c'est le moment où les enfants ont quitté la table. À cette heure, sur la petite route près de Rigaud, les ombres devaient s'étirer d'un fossé à l'autre et les arbres étaient probablement d'une teinte dorée, gorgés de lumière.
Monsieur Papillon n'a peut-être pas eu le temps d'avoir peur. Avec le vent dans une oreille, les grillons dans l'autre, les arbres dans les yeux et le coucher de soleil sur les tempes, avec son guidon dans les mains et du bitume qui défilait à 130 kilomètres/heure sous les fesses, il était sûrement parti faire un tour dans ses pensées, et au moment de l'impact, il a dû comprendre que ça ne servait à rien de revenir à la réalité. Il l'avait assez vue, la réalité.
Monsieur Papillon était concierge à mon collège, quand j'avais seize ans. J'étais couchée sur un banc dans un corridor, à compter les trous dans le plafond blanc, il s'est arrêté pour me parler.
C'était la fin de l'année, il ne restait que quelques examens, on avait tous hâte de ficher le camp de là. Il comprenait bien et j'ai cru sentir que lui aussi il aurait bien aimé ficher le camp. Avant de reprendre sa moppe et son pas lent, il m'a dit : « Continue d'étudier, fille, parce que sinon, tu vas te retrouver comme moi. ».
Je me suis demandée, le lendemain matin, en apprenant sa mort, si c'était si pire que ça d'être Monsieur Papillon...

Agathe


Il y a eu ce moment sur scène où
j'avais le spot qui me chauffait le front et
une goutte de sueur sur la tempe
-le fond de teint s'écroulait
Devant moi des ombres inégales et des regards
que je ne sentais plus.
Et dans mes pieds et sous mon corps, Agathe
me soutenant à ce moment plus que je ne la soutenais
on a repris notre souffle.
« Allez ma petite un dernier petit tour et on s'en va
Un dernier petit tour et on se quitte
Et on laisse tout ce foutoir derrière nous et on retourne
chacune
dans nos vies, dans nos histoires,
Toi dans tes bottines

et moi dans mes répliques
Montre leur une dernière fois qu'à nous deux on est devenues...
qu'on est devenues...un instant, un hasard, un rencontre.
Un dernier petit tour dans ma robe brune et je te lève mon bérêt, ma petite
et je te saluerai des coulisses quand tu quitteras la salle,

une fois les fauteuils vidés et les néons rallumés.
Un dernier tour ma petite

Un dernier petit tour et on s'en va. »
Croyez-vous que la mémoire soit ce qui meurt en dernier?
Et quand le vacarme de la foule nous a surpris, en coulisse,
nous sommes accourus souriants, se tenant les mains, tous les neuf.
Au troisième salut, les épaules voutées et les genous croches
c'était pour elle que je m'inclinais.

Routine de Trac

De l’eau chaude et du miel.
C’est ce dont j’ai besoin, j’en ai besoin, maintenant, ce soir,

avant mes cinq heures de sommeil.
Ma gorge est vieille.
Mon cœur bat trop vite.
C’est étrange, vous êtes jeune de nouveau.
Il faut dormir, tout calmer avant de tout exploser.
Du miel apaisant.
La chaleur qui vient caresser ma gorge.
Si tu tiens à ta vie, tais-toi.
Mascara, eye-liner, bobépines, fixatif, déodorant, pantalons noirs,

camisole noire, lunch, argent, non portefeuille, oui portefeuille, c’est mieux.
Y a t il encore des miracles au jour d’aujourd’hui?
Ne pas oublier de me raser les aisselles.
Tant pis pour les mollets, Steven acceptera ma pilosité.
Le drap blanc est dans les loges, sur le comptoir gauche au fond près du miroir.
Gorgée de miel, et d’eau chaude.
Mais trêve aux rêveries, et dansons.
Dernière répétition à 11h, ne pas être en retard, important.
Emmener lunettes, au cas ou.
Bien manger, des pâtes froides, de la salade de pâtes, est-ce que j’en ai?

Dans le réfrigérateur, des spaghettis…
Eau chaude, miel, eau chaude miel, eau chaude, miel, Aille, ça brûle.
La musique a cessé, c’est un interlude.
Il ne faut pas que j’oublie de soutenir les silences, les silences doivent être soutenus

Pourvu que personne ne tousse pendant mon silence, pourvu que personne ne tousse.
Drap blanc dans la loge, comptoir gauche au fond, près du miroir.
Pas de maniérisme dans les sourcils. Objectifs, projeter, articuler, français normatif.
À quoi penses-tu? À rien. Et je recouvre son visage.
Entracte.
Une heure et demie plus tard, on est dans un bar, et tout ça est loin derrière.
J’ai hâte.
Merde.
Eau chaude, miel.
Bobépines, déodorants, le drap, bien manger…

Voiles


et
si les
bateaux viennent
un jour à manquer de
vent s'ils ont peur des vagues
ma soeur nous irons mains soudées
et lacérant le ciel avec nos ailes de cire
nous rejoindrons enfin le pays de notre enfance
il
n'y
a
plus
rien
dans les pyramides du désert mais sur ta pupille
une goutte de lait me rappelle que nous venons
de la même sphère