26 juil. 2009

Prélart et Cie

Couchés sur le prélart jauni, toi tu critiquais Monique Leyrac qui chantait trop sec et moi je voulais des enfants. Tu t'es mis à chanter par dessus elle tout doucement j'avais ta voix qui me faisait des bisous derrière les oreilles et moi je me demandais comment ce serait si tu avais été mon papa.

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Les jambes en papillotte et les yeux bouillants, elle enlevait ses petits souliers rouges et les déposait au pied du mur de la salle à manger. Elle savait qu'il la regardait à la dérobée, elle savait qu'il devinait son humeur de brique. Il renversa trois gouttes de sauce sur la nappe et elle se mit en colère, pourtant elle savait qu'il allait renverser quelque chose, pourquoi avait-elle choisi cette belle nappe?
Dans ses petits souliers rouges, une araignée tissait sa toile.


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C'était il y a deux ou trois semaines, je ne sais pas si tu te rappelles, de toute façon ce n'est pas grave.
Il faisait déjà nuit noire et le chant des grenouilles nous parvenait par la fenêtre, enterrant la radio qui chuchotait. Je devais avoir bu un peu trop de vin, j'avais le sourire qui figeait aux deux-tiers. On s'est couchés sur le prélart jauni de la cuisine, si ma mère nous avait vus elle aurait hurlé, « T'es pas une moppe! » mais il n'y avait personne.

19 juil. 2009

Caraquet

road poem à pardonner

Jusqu'où montait la marée
avant le temps des môtels évachés sur la plage
pour que cette barque bleu et blanche
toute trouée, la peinture écaillée
fasse du pouce sur le bord d'une route acadienne
fasse jaser un camionneur ridé, fripé
qui chante avec un accent des Iles de la Madeleine?


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La caravane tourne sur une route de la baie des chaleurs.
La baie des chaleurs,
quand t'as une license de l'Arizona,
Ché pas, me semble ça doit avoir l'air con.

En passant par Maniwaki

J'veux avoir un pick-up rouillé, pis rouge pompier à part de t'ça, avec une Husqvarna dans benne pis d'la bouette dans le ouinntchille. J'veux des cap d'acier pis des bas de laine j'veux habiter avec les pruches. Rien à foutre des siège en cuir j'veux laisser traîner des légumes pleins de terre sur le banc passager pis m'en sacrer. J'veux plisser les yeux en d'sous de ma casquette en conduisant pis jamais mettre de lunettes de soleil. J'veux vivre à Kazabazua, manger des bines pis avoir rien que la radio.
J'veux coucher dans le même lit que la drave pis oublier le boulevard Saint-Charles. Oublier les p'tits bourgeois du Ouestailleunde pis leurs décapotables , les voisins d'en arrière pis leur crisses de speakers de terrasse, les tondeuses pis les ouiditeux qui lèchent la pelouse à longueur de saison.
Stie' d'été.

6 juil. 2009

cassure


La maison sombre est écrasée par le ciel. Dans ton salon rempli de photos, les gros divans ont l'air de s'être endormis la bouche ouverte. Le mois de juillet n'arrête pas de pleuvoir.
Nuageuse, je me traîne les pieds sur la moquette, de la table au foyer, au divan qui ronfle, je dois être en train de nous chercher quelque part. Ton café prends du temps à s'écouler du filtre, c'est la troisième fois que tu vas voir s'il est prêt. Le plancher craque quand tu reviens vers moi, les mains vides.
On est assis côte à côte, sur le divan qui bave, ta mère est sur la route quelque part à New-York et ton père est parti ce matin dans une ville anglophone dont le nom m'échappe. C'est étrange d'être tous les deux seuls chez tes parents. Tu me dis que la maison te déprime, que sa noirceur t'aspire – elle me happe aussi, tu le sais. On dirait que le divan fait deux kilomètres de large.
T'es loin et j'ai perdu mes lunettes.