Tu marches. Tes pieds sont poussière et tes mains sont briques, béton, pierres, tes pieds s'effritent et tes mains lourdes ne savent plus rien soulever. Tu marches. Devant toi ce n'est plus la rue ce n'est plus le quartier, ce ne sont plus les gamins sans chaussures qui tapent un vieux ballon, ce ne sont plus les marchands de fruits et leurs trésors colorés, devant toi c'est gouffre de silence, devant toi c'est la tempête immobile. La tempête endormie.
Tu marches. Tu ne sais plus d'où tu viens tu te demandes où tu es né tu te rappelle être arrivé par avion ce matin l'aéroport avait le bras en écharpe tu t'es engouffré dans un Jeep qui roulait trop vite tu as eu mal au coeur dans les route estropiées.
Et puis, tu as vu par la fenêtre de ton jeep tu as vu ce que tu n'aurais jamais pu jamais voulu imaginer tu as vu une ville piétinée par l'immense main de la nature, tu as vu une histoire une culture en débris, tu as vu des corps meurtris déposés sur le sol, tu as vu des gens hurler, tu as vu un bras d'enfant sous un tas de ruines trop lourd. Tu as vu un homme passer à vélo avec un sac de riz sur l'épaule.
Le jeep s'est arrêté. Il n'y a avait plus de route. Il n'y avait plus de sol. Vous avez fait le reste à pied.
Tu marches. Parmi les hommes, parmi les femmes, parmi les chiens qui cherchent, parmi les secours qui te regardent avec des yeux trop pleins pour pouvoir les lire, parmis les blocs de béton la vitre cassée tu marches tes pieds traînent les larmes des orphelins de Port-au-Prince et les soupirs de soulagement des coups de fil outre-mer qui disent: ''Je vais bien''.
Tu marches derrière ta tête vient frapper la rumeur constante des sirènes et des cris, et sur ta tête tape ce soleil splendide, presque obscène, à quelques centaines de kilomètres sur la même île des vacanciers sirotent des pina-coladas en se faisant griller. À deux pas de toi, deux fillettes se partagent une bouteille d'eau. Tu marches.
Au loin tu aperçois l'équipe que tu dois rejoindre. Enfin. Tes pieds poussières accélèrent le pas, tu marches encore mais maintenant tu ne regardes plus les murs évanouis, les blessures sur ce qu'il reste des maisons. Ils sont cinq. Cinq secouristes....et quinze habitants de la ville, quinze hommes couverts de poussière, quinze femmes pieds-nus, qui se promènent entre les survivants meurtris, quinze maris qui pansent et désinfectent les plaies, quinze mères qui bercent des chagrins plus grands qu'eux, quinze amis qui n'ont pas dormi depuis trop longtemps, quinze citoyens qui reconstruisent déjà leur pays, quinze humains qui te montrent qu'ils sont plus forts que la mort.
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